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J'ai fait la connaissance de Lions à la fin de l'année 1986, au moment de commencer ma thèse de doctorat au Laboratoire d'Analyse numérique de l'Université Paris VI. Suivant ses habitudes, il avait contacté mon directeur de thèse, Alain Haraux, entre autres collaborateurs, pour clarifier certaines questions qui avaient rapport avec l'équation des ondes. Lions était sur le point de commencer son cours 86-87 au Collège de France ; il avait pensé qu'Alain pourrait rédiger les notes du cours, et celui-ci pensa, à son tour, à moi.
Ainsi, a la fin d'une de ces conférences de l'inoubliable séminaire du vendredi après-midi au Collège de France, je fus présenté à Lions, qui, avec le regard à la fois chaleureux et ferme qui le caractérisait, et ce sourire qui dévoilait son intelligence aiguë et son esprit singulier, me demanda si je me sentais capable d'écrire en français. Je lui repondis franchement que, avec l'aide d'un dictionnaire, oui. Cette réponse lui suffit et il me confia la tâche qui occupa un bonne partie de mon temps pendant une année et qui eut un influence décisive sur ma carrière professionnelle...
Je n'ai jamais su quel était le mécanisme que Lions utilisait pour sélectionner les personnes auquelles il confiait des tâches professionnelles et qui l'avait conduit à laisser une telle tâche dans les mains d'un jeune homme avec un accent marqué (du sud-ouest, diraient les plus indulgents - très au sud et très à l'ouest) et sans expérience. Je crois qu'il y avait, d'une part, beaucoup d'intuition et, d'autre part, cet esprit d'homme méditerranéen qui le poussaient à prendre des risques simplement pour le fait de découvrir et comprendre de nouvelles choses au travers des Mathématiques. En effet, j'ai toujours eu la sensation que Lions s'intéressait aux questions de Mathématiques dans la mesure où celles-ci représentaient de petits laboratoires pour des questions beaucoup plus transcendantes du monde qui nous entoure.
Je ressentirai profondément son absence.
En particulier, je ne retrouverai plus jamais dans mon casier à la faculté un de ses fax, où, avec l'amabilité, l'élégance et la profondeur de pensée qui le caractérisaient, il me proposait une de ces questions mathématiques qui étaient pour moi beaucoup plus qu'un travail : une raison pour commencer les journées avec optimisme et travailler avec passion.
Il nous reste l'ineffaçable empreinte du maître et de
l'homme qui, malgré le grand prestige
professionnel et social qui l'entourait, était toujours prêt à
écouter, sans faire de distinction
d'âge ou d'origine. Lions, à travers son oeuvre et son école,
continuera à influencer
notre conception des Mathématiques, et, à travers celles-ci,
notre façon de comprendre l'univers,
sa source préférée de problèmes ouverts. Malheureusement, beaucoup de
questions resteront sans réponse ; en particulier, celle dont nous nous amusions
si souvent : trouver le système idéal, qui peut être
contrôlé sans contrôle.
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Témoignage parus dans
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MATAPLI 66 (octobre 2001) pages 17-41.
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