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Discours de Claudie Haigneré,
ministre chargée de la Recherche
et des Nouvelles Technologies
le 26 juin 2002

Séance inaugurale du Congrès international de
mathématiques appliquées,
à la mémoire de Jacques-Louis Lions

Monsieur l'Administrateur,
Monsieur le Président de l'Académie des Sciences
Mesdames et Messieurs,

Voici quelques jours, à peine engagée dans l'exercice de mes nouvelles responsabilités ministérielles, j'ai pris connaissance avec grand intérêt de votre aimable invitation à m'exprimer lors de cette séance inaugurale du "Congrès de mathématiques appliquées" à la mémoire du grand mathématicien français, Jacques Louis Lions.

C'est bien volontiers que j'ai répondu de manière positive à cette sollicitation de participer personnellement, dans cette prestigieuse enceinte du Collège de France, à la célébration d'un homme de science et d'action exceptionnel qui fait honneur à notre pays.

La vie du Professeur Jacques-Louis Lions a été entièrement consacrée aux mathématiques et au développement de leurs interfaces avec les autres domaines du savoir. Il fût à la fois un universitaire, un artisan du développement de l'informatique, un responsable de l'aventure spatiale française et européenne, un scientifique présent dans le monde industriel, un académicien engagé, un moteur du développement des relations internationales. C'est cet homme, multiple dans ses engagements, cet esprit ouvert, ce pionnier de l'inter-disciplinarité que nous honorons aujourd'hui.

Il fut d'abord un chercheur et un universitaire. Après sa formation à l'Ecole Normale Supérieure, il fut chercheur au CNRS, puis successivement professeur à la faculté des sciences de Nancy et de Paris, avant d'enseigner à l'Ecole Polytechnique et au Collège de France. C'est incontestablement ce couplage au plus niveau entre recherche et formation qu'il nous faut maintenir pour assurer de manière durable le rang scientifique auquel aspire notre pays.

Mathématicien de renommée mondiale, Jacques-Louis Lions a consacré l'essentiel de ses travaux aux équations à dérivées partielles et à la théorie du contrôle des systèmes. Au début des années cinquante, les équations aux dérivées partielles étaient déjà un des domaines d'excellence des mathématiques françaises avec Laurent Schwartz et Jean Leray. Jacques-Louis Lions a donné rapidement, à partir des années soixante, une orientation nouvelle au domaine. Il exercera une grande influence sur la communauté mathématique française, particulièrement dans le domaine de l'analyse numérique, de l'informatique, de la théorie du contrôle, en liaison, par exemple, avec le guidage des lanceurs spatiaux. Il consacra une partie de son activité de chercheur à l'étude du système d'équations régissant les mouvements de l'atmosphère, de l'océan et de leur couplage. Jacques-Louis Lions est à ces titres divers le père de toute une école mathématique.

Sa conception des mathématiques est illustrée par une déclaration faite en 1991:

" Ce que j'aime dans les mathématiques appliquées, c'est qu'elles ont pour ambition de donner du monde des systèmes une représentation qui permette de comprendre et d'agir. Et, de toutes les représentations, la représentation mathématique, lorsqu'elle est possible, est celle qui est la plus souple et la meilleure. Du coup, ce qui m'intéresse, c'est de savoir jusqu'où on peut aller dans ce domaine de la modélisation des systèmes, c'est d'atteindre les limites".

Jacques-Louis Lions fut aussi l'artisan du développement de l'informatique. Il était convaincu que l'ordinateur changerait tout. A la tête de l'INRIA de 1980 à 1984, il insiste sur l'aspect concret de la science et sur les relations qu'elle doit obligatoirement entretenir avec le monde de l'industrie.

Il se révèle alors être un manager remarquable tant au niveau de l'organisation que de la direction scientifique de l'INRIA. Les critères qu'il proposait pour juger de la qualité d'un projet: "excellence scientifique, potentiel d'application, coopération internationale ", sont d'une actualité permanente pour toutes les recherches que souhaite soutenir l'Etat.

Jacques-Louis Lions fut également un des responsables de l'aventure spatiale européenne. C'est en 1984 que Jacques-Louis Lions prend en effet la tête du CNES, au moment de son essor avec le programme Ariane notamment. Il occupera cette haute fonction jusqu'en 1992. Ce fut un homme de conviction qui sut convaincre les ministres de la nécessité de développer des programmes ambitieux. Il a joué un rôle essentiel, en tant que négociateur, tant dans la signature des accords franco-américains avec la NASA que dans celle des accords franco-soviétique, puis franco-russe avec la deuxième mission de J.L. Chrétien et la mission de M. Tognini.

En 1985, rejoignant moi-même le CNES, j'eus la chance de connaître Jacques-Louis LIONS. Je veux témoigner ici de ses qualités humaines, en même temps que du grand respect qu'il inspirait à chacun, pour cette raison en même temps que pour son œuvre et son appartenance à l'Académie des Sciences.

Quatre ans après son départ du CNES, il fut d'ailleurs appelé, dans une situation critique, à présider avec succès le comité constitué pour analyser l'échec de la mission d'Ariane 501. Et son diagnostic s'est révélé sûr.

Jacques-Louis Lions fut enfin un académicien engagé.

Membre de l'Académie des sciences depuis 1973 au titre de la mécanique, Jacques-Louis Lions fut président de 1996 à 1998, où il dirige notamment le Comité 2000, constitué à la demande du Président Jacques Chirac pour, au seuil du XXIe siècle, "faciliter l'accès de tous à la connaissance, contribuer à la préservation du cadre de vie et améliorer la santé de chacun." Jacques-Louis Lions a lancé la réforme de l'Académie des sciences, qui a, en particulier, pour objectif de réaffirmer son rôle vis-à-vis de la société. Il jouera un rôle important dans la création d'une Académie des technologies.

Cet " homme sans frontières " initia la coopération franco-italienne, la coopération franco-espagnole, la coopération franco-chinoise et bien sûr la coopération franco-russe. Il me plaît de saluer ici quelques-uns uns des plus éminents membres de ces pays. Il a également apporté son soutien à des opérations en faveur du développement de la recherche en Afrique et plus généralement à l'action du Centre International de Mathématiques Pures et Appliquées (CIMPA).

Jacques-Louis Lions nous laisse un héritage considérable, et aussi des repères pour l'avenir. Il a publié 20 livres et plus de 500 articles relatifs aux équations aux dérivées partielles sous leurs divers aspects : recherche fondamentale, applications, mises en oeuvre numérique, modélisation…

Parmi tous ces livres, on ne peut passer sous silence le célèbre " Lions-Magenes " en trois volumes sur les problèmes aux limites et le traité collectif de 9 volumes: Analyse mathématique et Méthodes numériques pour la Science et la Technologie qu'il publia avec Robert Dautray.

Le Ministère de la Recherche et des Nouvelles Technologies est heureux de pouvoir contribuer à l'édition d'une sélection de ses œuvres en trois volumes.

Jacques-Louis Lions a fait preuve d'un très haut sens du service de l'Etat. Il laisse le souvenir d'un grand scientifique généreux et entièrement dévoué à la science et à la société. C'est un scientifique exemplaire qu'il me plaît d'honorer.

La vie de Jacques-Louis Lions montre la voie pour les mathématiques françaises : d'une part, rester au meilleur niveau d'excellence et d'autre part, poursuivre l'ouverture de l'Ecole mathématique aux autres sciences, et plus généralement développer sa capacité de réponse aux besoins de la société.

Beaucoup d'indicateurs confirment la haute place qu'a acquise l'Ecole mathématique française et qu'elle doit conserver. Songeons aux sept Médailles Fields dont la France peut s'enorgueillir avec, en particulier, celles décernées en 1994 à Jean-Christophe Yoccoz qui présentera une communication à ce colloque et à Pierre-Louis Lions, que je salue ici. Songeons au nombre de conférenciers français invités au prochain congrès international des mathématiciens de Pékin, qui place la France au deuxième rang mondial.

Le passé a montré l'interaction profonde et permanente de la science mathématique avec la physique et la mécanique. Nous avons rappelé qu'elle avait été à la source du développement de l'informatique et qu'elle a joué un rôle essentiel dans le développement de la recherche spatiale. L'avenir doit montrer qu'elle est capable, tout en continuant de briller dans les travaux fondamentaux, de relever d'autres défis, dans les sciences de la vie bien sûr, mais aussi dans les nouvelles technologies, l'environnement, l'économie...

Le ministère de la Recherche que j'ai l'honneur de diriger encourage sans réserve la communauté des mathématiciens français à s'engager résolument dans ces directions, dans le droit fil de l'héritage de Jacques Louis Lions.

Je vous souhaite de belles journées de travail, et je vous remercie de votre attention.

http://www.recherche.gouv.fr/discours/2002/dconginter.htm
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